Les venins de serpent : composition et toxicité
Les envenimations ophidiennes constituent un véritable problème de santé publique dans le monde, tout particulièrement dans les pays tropicaux et subtropicaux, où l’incidence de la morbidité et de la mortalité associées aux morsures demeure élevée. Les données épidémiologiques, bien que fragmentaires, permettent d’estimer à plus de 5 millions le nombre de cas d'envenimations par an avec un taux de mortalité de 2,5 % (Chippaux, 1998). Les continents les plus touchés sont par ordre décroissant l’Asie (4 millions de cas), l’Afrique (1 million) et les Amériques (350000). La gravité d’une envenimation va dépendre de plusieurs facteurs :
le type d’appareil d’injection. Les serpents Vipéridés ont l’appareil d’injection le plus performant, permettant d’injecter le venin sous pression en infligeant une piqûre plutôt qu’une morsure.
la toxicité intrinsèque du venin, qui peut être estimée d’après la valeur de sa toxicité aiguë chez l’animal (DL50 ou dose qui tue 50% des animaux),
la quantité de venin injecté qui dépend de la taille du serpent et de l’état de réplétion des glandes,
le lieu d’injection,
l’âge et l’état de santé de la victime.
Composition
Les venins de serpent sont des mélanges complexes de protéines sécrétées par des glandes venimeuses qui dérivent de glandes salivaires labiales. Leur fonction première est de participer à l’immobilisation et/ou à la digestion de la proie. On peut distinguer deux types de composants dans les venins de serpent, les enzymes et les toxines. On trouve également des protéines douées d’activité pharmacologique et qui ne sont ni des enzymes, ni des toxines.
Les enzymes
Les enzymes de nature variées sont très nombreuses dans les venins de serpent. Parmi la trentaine d’activités enzymatiques détectées, la moitié d’entre elles est retrouvée dans tous les venins. Certaines enzymes peuvent exercer un effet toxique local : œdème, suffusions hémorragiques, nécroses. Parmi les enzymes retrouvées dans tous les venins, on distingue :
les hyaluronidases qui, en hydrolysant les liaisons glycosidiques de certains mucopolysaccharides du tissu conjonctif, facilitent la diffusion des autres composants toxiques du venin.
les protéases, endopeptidases et exopeptidases, dont l’action est souvent peu spécifique.
les phospholipases A2 qui hydrolysent les glycérophospholipides et la lécithine des membranes cellulaires et sont ainsi responsables de la lyse des globules rouges, lyse que l’on ne retrouve que rarement dans les envenimations humaines.
On trouve également des acétylcholinestérases, des amino-acide-oxydases, des phosphoestérases, des hydrolases, des nucléosidases, des ribonucléases.
Les enzymes agissant sur les facteurs de la coagulation sanguine et l'endothélium vasculaire ont une importance particulière. Ce sont pour la plupart des protéases à action procoagulante ou anticoagulante. Elles provoquent une incoagulabilité sanguine et sont présentes et actives surtout dans les venins de Viperidés. On peut citer :
les composants agissant sur les parois vasculaires ou hémorragines. Ces métalloprotéases Zinc-dépendantes hydrolysent certains éléments de la paroi vasculaire, entraînant des hémorragies locales spontanées, en nappe, persistantes si le sang est par ailleurs incoagulable ;
les composants agissant sur les cellules endothéliales des parois vasculaires qui provoquent la libération de certains effecteurs, prostaglandines ou activateurs de plasminogène.
les activateurs de la protéine C ;
les composants agissant sur l’activation de la prothrombine ou des facteurs V, VIII, X, XIII ;
les composants agissant sur le fibrinogène ;
les enzymes lysant la fibrine ;
les facteurs agissant sur les plaquettes (activateurs ou inhibiteurs de l’agrégation plaquettaire…).
Les toxines
Les effets toxiques des venins de serpent sont le résultat de l’action conjuguée des toxines qui les composent. Les toxines sont des polypeptides ou des protéines regroupées en plusieurs catégories selon leur constitution chimique ou leur action pharmacologique. Certaines sont communes à plusieurs espèces ou à plusieurs familles de serpents venimeux, sans toutefois être identiques, d’autres sont plus ou moins spécifiques d’une espèce particulière. Les toxines du système neuro-musculaire comprennent :
les neurotoxines curarisantes (neurotoxines), dites toxines à trois doigts qui se fixent sélectivement sur les récepteurs post-synaptiques de l’acétylcholine. Elles sont caractéristiques des venins d’Elapidés et d’Hydrophidés. les neurotoxines présynaptiques (neurotoxines) constituées d’une à cinq chaînes polypeptidiques dont l’une au moins est une phospholipase A2. Ces toxines inhibent la libération d’acétylcholine.
les cardiotoxines, présentes dans les venins de cobras, qui ont une structure à trois doigts comparable à celle des neurotoxines. Ces toxines induisent des nécroses cutanées.
des toxines que l’on ne retrouve que dans certains genres, telles les sarafotoxines, molécules vaso-constrictrices des venins du genre Atractaspis, les dendrotoxines et fasciculines des venin de Dendroaspis, qui respectivement augmentent la libération d’acetylcholine et inhibent son métabolisme et enfin les myotoxines, petits polypeptides basiques des venins du genre Crotalus ou phospholipases A2 des venins de Vipéridés ou d’Elapidés.
Autres composants
Certains composants agissent sur certains mécanismes biologiques sans pour cela exercer une toxicité chez l’animal. On peut citer le facteur de stimulation de la croissance du nerf qui induit et accélère la différenciation des neurones sensoriels des ganglions sympathiques (Cohen et Levi-Montalcini, 1956), la convulxine, glycoprotéine capable d’activer les plaquettes sanguines (Marlas et coll., 1983, Francischetti et coll., 1997), la bothrojaracine, inhibiteur spécifique et puissant de la thrombine (Zingali et coll., 1993) et le TSV-PA, un activateur du plasminogène (Zang et coll., 1995).
Toxicité
A part quelques rares exemples, où la toxicité du venin peut être attribuée à une toxine, les venins de serpent comportent généralement plusieurs protéines toxiques qui peuvent agir en synergie et qui sont à l'origine de la toxicité globale du venin. La toxicité des venins de serpent est déterminée au moyen d'expériences réalisées in vivo chez l'animal. Ces mesures permettent d'obtenir une appréciation globale de la toxicité d'un venin brut, résultante de l'ensemble des activités de ses différents constituants. Les animaux utilisés au cours de cette étude sont principalement des souris, des rats ou des lapins. La voie d'administration de la toxine est variable (sous-cutanée, intradermique, intramusculaire, intrapéritonéale, intraveineuse ou intracisternale). Cependant, la voie intraveineuse caudale donne les résultats les plus homogènes et doit être retenue dans les mesures standardisées. En général, elle fournit aussi les valeurs toxiques les plus élevées c’est à dire les DL50 les plus faibles. Les conditions opératoires doivent être codifiées de façon stricte afin d’obtenir des données reproductibles et comparables (poids et âge identique, même souche d’animal testée, voie d’injection unique pour tous les animaux, injection lente, durée d’observation de 48 heures). Différentes méthodes statistiques permettent la détermination d’un intervalle de confiance (Reed et Muench (1938), Litchfield et Wilcoxon (1949), Spearman et Kärber (OMS, 1981)).
Du fait de la grande variété des effets pharmacologiques induits par les venins de serpents, l'OMS préconise de plus des déterminations in vivo de leur toxicité (activité défibrinisante, activité nécrosante, activité hémorragique ).
Plusieurs auteurs ont décrit l'existence d'une variation dans la symptomatologie de l'envenimation par des serpents appartenant à la même espèce (Chippaux et coll., 1991a). Ces variations intraspécifiques sont en général liées à la localisation géographique des individus (Jimenez Poras, 1964 ; Rael et coll., 1985). Cette variabilité d’origine génétique (Nkinin et coll., 1996b) mais dont l’expressivité serait liée au régime alimentaire (Daltry et coll., 1996) est à prendre en compte lors du processus d’immunisation de l’animal qui fournira le sérum antivenimeux. De nombreuses études ont montré que la toxicité du venin diminue avec l'âge du serpent alors que l'activité protéolytique augmente (Minton, 1967 ; Lomonte et coll., 1983 ; Mackessi, 1988). Cette observation peut être expliquée par le fait qu'un individu jeune, donc de petite taille, nécessite un venin puissant pour immobiliser sa proie alors qu'un adulte s'attaque plus volontiers à des proies de grande taille et nécessite de ce fait un venin dont l'activité protéolytique est plus élevée.
Fabrication des sérums antivenimeux et standardisation
Fabrication
Compte tenu de l’existence d’une variabilité génétique de la composition des venins de serpent de même espèce, il est nécessaire d’effectuer des immunisations en utilisant un mélange de venin provenant d’individus de localisation géographique variable. Le venin est obtenu soit par pression mécanique de la glande venimeuse ou par stimulation électrique des muscles striés entourant la glande.
Les sérums antivenimeux sont obtenus par l'hyperimmunisation graduelle d'animaux (chevaux, chèvre, mouton) avec un ou plusieurs venins médicalement importants provenant d'un pays ou d'une région géographique spécifique. Si un seul venin est utilisé pour l'immunisation, le sérum antivenimeux est dit monovalent, lorsque plusieurs venins sont utilisés, il est dit polyvalent. Du fait de la complexité de la composition des venins, un sérum polyvalent possède un pouvoir de neutralisation plus faible qu'un sérum monovalent dont on peut notablement diminuer la dose administrée, ce qui réduit le risque de réactions secondaires. Généralement, les cliniciens préfèrent utiliser des sérums polyvalents, d'une part car les symptômes cliniques sont rarement révélateurs d'une espèce et que d'autre part, la discussion concernant le choix d'un sérum antivenimeux monovalent peut retarder le traitement.
L'immunisation de l'animal au moyen d'un venin non modifié permet d'obtenir des sérums plus efficaces car les venins désactivés sont généralement immunologiquement moins actifs. Cependant, certains venins très toxiques nécessitent la préparation d'un toxoïde obtenu par complexation du venin avec la formaline ou avec d'autres aldéhydes tels que le glutaraldéhyde. Il est également possible de détoxifier le venin par action de radiations ionisantes. Le venin, détoxifié ou non, est ensuite associé à un adjuvant (adjuvant de Freund, bentonite, gel d'hydroxyde d'aluminium, alginate de sodium) qui a pour effet d'une part de diminuer la toxicité du venin en limitant la diffusion de celui-ci à partir du point d'injection et d'autre part qui permet une stimulation intense du système immunitaire. Le protocole d'immunisation dépend de la toxicité et de l'immunogénicité du venin, de l'espèce animale utilisée pour l'immunisation, de la réponse de l'animal et de son état de santé. L'étape d'hyperimmunisation est très délicate à réaliser, car elle nécessite un ajustement permanent entre la quantité de venin injectée et le niveau d'anticorps produits par l'animal (10 à 50 injections durant une période de 15 mois peuvent être nécessaires pour obtenir une bonne immunisation de l'animal). Les animaux reçoivent en moyenne 2 à 3 injections de rappel par mois, à une semaine d'intervalle et leur sang est prélevé quelques jours après chaque injection.
Les sérums d’animaux hyperimmunisés ne sont plus utilisés à l’état brut. Des améliorations successives ont été apportées à la préparation des sérums antivenimeux pour obtenir une plus grande efficacité et une meilleure tolérance. Les immunoglobulines sont traitées par protéolyse ménagée. L'immunoglobuline G (IgG) est une protéine volumineuse de masse molaire égale à environ 150 kDa, qui se compose de deux fragments Fab thermostables porteurs de la spécificité immunologique (Fab = fragment antigen binding) et d'un fragment Fc thermolabile réagissant avec le complément. Une digestion par la pepsine libère le fragment F(ab’)2, de masse molaire moyenne de 90 kDa et porteurs de deux sites de fixation de l'antigène, comme l'immunoglobuline native. Un traitement par la papaïne sépare le fragment Fc des fragments Fab individualisés, de masse molaire moyenne de 50 kDa et porteurs, chacun, d'une seule valence de fixation de l'antigène : ces caractéristiques confèrent aux fragments Fab des propriétés biologiques différentes, par rapport à l'anticorps d'origine ou au fragment F(ab’)2. Les sérums antivenimeux actuels sont généralement des F(ab’)2. En pratique, le protocole de purification peut être ainsi schématisé :
Digestion du plasma ou du sérum par la pepsine à pH acide.
Précipitation par le sulfate d'ammonium à 15 ou 20%.
Coagulation des Fc par la chaleur (F(ab')2 thermostables) et décomplémentation (57-58°C).
Refroidissement rapide à 40°.
Élimination des protéines dénaturées par centrifugation ou filtration.
Précipitation sélective des immunoglobulines par le sulfate d'ammonium à 55% de saturation.
Élimination du sulfate d’ammonium par dialyse.
Élimination des lipides par adsorption sur hydroxyde d'aluminium.
Le produit obtenu subit alors divers contrôles avant le conditionnement final :
contrôles bactériologiques par ensemencement de milieux de culture appropriés
contrôles toxicologiques par inoculation chez l'animal pour vérifier l'absencede pyrogène
contrôles immunologiques pour mesurer l'efficacité protectrice.
La composition en anticorps d'un sérum antivenimeux peut être vérifiée en effectuant un Western blot, après migration électrophorétique du venin. Le sérum doit réagir avec toutes les bandes protéiques du venin séparées selon leur poids moléculaire.
Les envenimations ophidiennes constituent un véritable problème de santé publique dans le monde, tout particulièrement dans les pays tropicaux et subtropicaux, où l’incidence de la morbidité et de la mortalité associées aux morsures demeure élevée. Les données épidémiologiques, bien que fragmentaires, permettent d’estimer à plus de 5 millions le nombre de cas d'envenimations par an avec un taux de mortalité de 2,5 % (Chippaux, 1998). Les continents les plus touchés sont par ordre décroissant l’Asie (4 millions de cas), l’Afrique (1 million) et les Amériques (350000). La gravité d’une envenimation va dépendre de plusieurs facteurs :
le type d’appareil d’injection. Les serpents Vipéridés ont l’appareil d’injection le plus performant, permettant d’injecter le venin sous pression en infligeant une piqûre plutôt qu’une morsure.
la toxicité intrinsèque du venin, qui peut être estimée d’après la valeur de sa toxicité aiguë chez l’animal (DL50 ou dose qui tue 50% des animaux),
la quantité de venin injecté qui dépend de la taille du serpent et de l’état de réplétion des glandes,
le lieu d’injection,
l’âge et l’état de santé de la victime.
Composition
Les venins de serpent sont des mélanges complexes de protéines sécrétées par des glandes venimeuses qui dérivent de glandes salivaires labiales. Leur fonction première est de participer à l’immobilisation et/ou à la digestion de la proie. On peut distinguer deux types de composants dans les venins de serpent, les enzymes et les toxines. On trouve également des protéines douées d’activité pharmacologique et qui ne sont ni des enzymes, ni des toxines.
Les enzymes
Les enzymes de nature variées sont très nombreuses dans les venins de serpent. Parmi la trentaine d’activités enzymatiques détectées, la moitié d’entre elles est retrouvée dans tous les venins. Certaines enzymes peuvent exercer un effet toxique local : œdème, suffusions hémorragiques, nécroses. Parmi les enzymes retrouvées dans tous les venins, on distingue :
les hyaluronidases qui, en hydrolysant les liaisons glycosidiques de certains mucopolysaccharides du tissu conjonctif, facilitent la diffusion des autres composants toxiques du venin.
les protéases, endopeptidases et exopeptidases, dont l’action est souvent peu spécifique.
les phospholipases A2 qui hydrolysent les glycérophospholipides et la lécithine des membranes cellulaires et sont ainsi responsables de la lyse des globules rouges, lyse que l’on ne retrouve que rarement dans les envenimations humaines.
On trouve également des acétylcholinestérases, des amino-acide-oxydases, des phosphoestérases, des hydrolases, des nucléosidases, des ribonucléases.
Les enzymes agissant sur les facteurs de la coagulation sanguine et l'endothélium vasculaire ont une importance particulière. Ce sont pour la plupart des protéases à action procoagulante ou anticoagulante. Elles provoquent une incoagulabilité sanguine et sont présentes et actives surtout dans les venins de Viperidés. On peut citer :
les composants agissant sur les parois vasculaires ou hémorragines. Ces métalloprotéases Zinc-dépendantes hydrolysent certains éléments de la paroi vasculaire, entraînant des hémorragies locales spontanées, en nappe, persistantes si le sang est par ailleurs incoagulable ;
les composants agissant sur les cellules endothéliales des parois vasculaires qui provoquent la libération de certains effecteurs, prostaglandines ou activateurs de plasminogène.
les activateurs de la protéine C ;
les composants agissant sur l’activation de la prothrombine ou des facteurs V, VIII, X, XIII ;
les composants agissant sur le fibrinogène ;
les enzymes lysant la fibrine ;
les facteurs agissant sur les plaquettes (activateurs ou inhibiteurs de l’agrégation plaquettaire…).
Les toxines
Les effets toxiques des venins de serpent sont le résultat de l’action conjuguée des toxines qui les composent. Les toxines sont des polypeptides ou des protéines regroupées en plusieurs catégories selon leur constitution chimique ou leur action pharmacologique. Certaines sont communes à plusieurs espèces ou à plusieurs familles de serpents venimeux, sans toutefois être identiques, d’autres sont plus ou moins spécifiques d’une espèce particulière. Les toxines du système neuro-musculaire comprennent :
les neurotoxines curarisantes (neurotoxines), dites toxines à trois doigts qui se fixent sélectivement sur les récepteurs post-synaptiques de l’acétylcholine. Elles sont caractéristiques des venins d’Elapidés et d’Hydrophidés. les neurotoxines présynaptiques (neurotoxines) constituées d’une à cinq chaînes polypeptidiques dont l’une au moins est une phospholipase A2. Ces toxines inhibent la libération d’acétylcholine.
les cardiotoxines, présentes dans les venins de cobras, qui ont une structure à trois doigts comparable à celle des neurotoxines. Ces toxines induisent des nécroses cutanées.
des toxines que l’on ne retrouve que dans certains genres, telles les sarafotoxines, molécules vaso-constrictrices des venins du genre Atractaspis, les dendrotoxines et fasciculines des venin de Dendroaspis, qui respectivement augmentent la libération d’acetylcholine et inhibent son métabolisme et enfin les myotoxines, petits polypeptides basiques des venins du genre Crotalus ou phospholipases A2 des venins de Vipéridés ou d’Elapidés.
Autres composants
Certains composants agissent sur certains mécanismes biologiques sans pour cela exercer une toxicité chez l’animal. On peut citer le facteur de stimulation de la croissance du nerf qui induit et accélère la différenciation des neurones sensoriels des ganglions sympathiques (Cohen et Levi-Montalcini, 1956), la convulxine, glycoprotéine capable d’activer les plaquettes sanguines (Marlas et coll., 1983, Francischetti et coll., 1997), la bothrojaracine, inhibiteur spécifique et puissant de la thrombine (Zingali et coll., 1993) et le TSV-PA, un activateur du plasminogène (Zang et coll., 1995).
Toxicité
A part quelques rares exemples, où la toxicité du venin peut être attribuée à une toxine, les venins de serpent comportent généralement plusieurs protéines toxiques qui peuvent agir en synergie et qui sont à l'origine de la toxicité globale du venin. La toxicité des venins de serpent est déterminée au moyen d'expériences réalisées in vivo chez l'animal. Ces mesures permettent d'obtenir une appréciation globale de la toxicité d'un venin brut, résultante de l'ensemble des activités de ses différents constituants. Les animaux utilisés au cours de cette étude sont principalement des souris, des rats ou des lapins. La voie d'administration de la toxine est variable (sous-cutanée, intradermique, intramusculaire, intrapéritonéale, intraveineuse ou intracisternale). Cependant, la voie intraveineuse caudale donne les résultats les plus homogènes et doit être retenue dans les mesures standardisées. En général, elle fournit aussi les valeurs toxiques les plus élevées c’est à dire les DL50 les plus faibles. Les conditions opératoires doivent être codifiées de façon stricte afin d’obtenir des données reproductibles et comparables (poids et âge identique, même souche d’animal testée, voie d’injection unique pour tous les animaux, injection lente, durée d’observation de 48 heures). Différentes méthodes statistiques permettent la détermination d’un intervalle de confiance (Reed et Muench (1938), Litchfield et Wilcoxon (1949), Spearman et Kärber (OMS, 1981)).
Du fait de la grande variété des effets pharmacologiques induits par les venins de serpents, l'OMS préconise de plus des déterminations in vivo de leur toxicité (activité défibrinisante, activité nécrosante, activité hémorragique ).
Plusieurs auteurs ont décrit l'existence d'une variation dans la symptomatologie de l'envenimation par des serpents appartenant à la même espèce (Chippaux et coll., 1991a). Ces variations intraspécifiques sont en général liées à la localisation géographique des individus (Jimenez Poras, 1964 ; Rael et coll., 1985). Cette variabilité d’origine génétique (Nkinin et coll., 1996b) mais dont l’expressivité serait liée au régime alimentaire (Daltry et coll., 1996) est à prendre en compte lors du processus d’immunisation de l’animal qui fournira le sérum antivenimeux. De nombreuses études ont montré que la toxicité du venin diminue avec l'âge du serpent alors que l'activité protéolytique augmente (Minton, 1967 ; Lomonte et coll., 1983 ; Mackessi, 1988). Cette observation peut être expliquée par le fait qu'un individu jeune, donc de petite taille, nécessite un venin puissant pour immobiliser sa proie alors qu'un adulte s'attaque plus volontiers à des proies de grande taille et nécessite de ce fait un venin dont l'activité protéolytique est plus élevée.
Fabrication des sérums antivenimeux et standardisation
Fabrication
Compte tenu de l’existence d’une variabilité génétique de la composition des venins de serpent de même espèce, il est nécessaire d’effectuer des immunisations en utilisant un mélange de venin provenant d’individus de localisation géographique variable. Le venin est obtenu soit par pression mécanique de la glande venimeuse ou par stimulation électrique des muscles striés entourant la glande.
Les sérums antivenimeux sont obtenus par l'hyperimmunisation graduelle d'animaux (chevaux, chèvre, mouton) avec un ou plusieurs venins médicalement importants provenant d'un pays ou d'une région géographique spécifique. Si un seul venin est utilisé pour l'immunisation, le sérum antivenimeux est dit monovalent, lorsque plusieurs venins sont utilisés, il est dit polyvalent. Du fait de la complexité de la composition des venins, un sérum polyvalent possède un pouvoir de neutralisation plus faible qu'un sérum monovalent dont on peut notablement diminuer la dose administrée, ce qui réduit le risque de réactions secondaires. Généralement, les cliniciens préfèrent utiliser des sérums polyvalents, d'une part car les symptômes cliniques sont rarement révélateurs d'une espèce et que d'autre part, la discussion concernant le choix d'un sérum antivenimeux monovalent peut retarder le traitement.
L'immunisation de l'animal au moyen d'un venin non modifié permet d'obtenir des sérums plus efficaces car les venins désactivés sont généralement immunologiquement moins actifs. Cependant, certains venins très toxiques nécessitent la préparation d'un toxoïde obtenu par complexation du venin avec la formaline ou avec d'autres aldéhydes tels que le glutaraldéhyde. Il est également possible de détoxifier le venin par action de radiations ionisantes. Le venin, détoxifié ou non, est ensuite associé à un adjuvant (adjuvant de Freund, bentonite, gel d'hydroxyde d'aluminium, alginate de sodium) qui a pour effet d'une part de diminuer la toxicité du venin en limitant la diffusion de celui-ci à partir du point d'injection et d'autre part qui permet une stimulation intense du système immunitaire. Le protocole d'immunisation dépend de la toxicité et de l'immunogénicité du venin, de l'espèce animale utilisée pour l'immunisation, de la réponse de l'animal et de son état de santé. L'étape d'hyperimmunisation est très délicate à réaliser, car elle nécessite un ajustement permanent entre la quantité de venin injectée et le niveau d'anticorps produits par l'animal (10 à 50 injections durant une période de 15 mois peuvent être nécessaires pour obtenir une bonne immunisation de l'animal). Les animaux reçoivent en moyenne 2 à 3 injections de rappel par mois, à une semaine d'intervalle et leur sang est prélevé quelques jours après chaque injection.
Les sérums d’animaux hyperimmunisés ne sont plus utilisés à l’état brut. Des améliorations successives ont été apportées à la préparation des sérums antivenimeux pour obtenir une plus grande efficacité et une meilleure tolérance. Les immunoglobulines sont traitées par protéolyse ménagée. L'immunoglobuline G (IgG) est une protéine volumineuse de masse molaire égale à environ 150 kDa, qui se compose de deux fragments Fab thermostables porteurs de la spécificité immunologique (Fab = fragment antigen binding) et d'un fragment Fc thermolabile réagissant avec le complément. Une digestion par la pepsine libère le fragment F(ab’)2, de masse molaire moyenne de 90 kDa et porteurs de deux sites de fixation de l'antigène, comme l'immunoglobuline native. Un traitement par la papaïne sépare le fragment Fc des fragments Fab individualisés, de masse molaire moyenne de 50 kDa et porteurs, chacun, d'une seule valence de fixation de l'antigène : ces caractéristiques confèrent aux fragments Fab des propriétés biologiques différentes, par rapport à l'anticorps d'origine ou au fragment F(ab’)2. Les sérums antivenimeux actuels sont généralement des F(ab’)2. En pratique, le protocole de purification peut être ainsi schématisé :
Digestion du plasma ou du sérum par la pepsine à pH acide.
Précipitation par le sulfate d'ammonium à 15 ou 20%.
Coagulation des Fc par la chaleur (F(ab')2 thermostables) et décomplémentation (57-58°C).
Refroidissement rapide à 40°.
Élimination des protéines dénaturées par centrifugation ou filtration.
Précipitation sélective des immunoglobulines par le sulfate d'ammonium à 55% de saturation.
Élimination du sulfate d’ammonium par dialyse.
Élimination des lipides par adsorption sur hydroxyde d'aluminium.
Le produit obtenu subit alors divers contrôles avant le conditionnement final :
contrôles bactériologiques par ensemencement de milieux de culture appropriés
contrôles toxicologiques par inoculation chez l'animal pour vérifier l'absencede pyrogène
contrôles immunologiques pour mesurer l'efficacité protectrice.
La composition en anticorps d'un sérum antivenimeux peut être vérifiée en effectuant un Western blot, après migration électrophorétique du venin. Le sérum doit réagir avec toutes les bandes protéiques du venin séparées selon leur poids moléculaire.