Les biologistes marins japonais Yoshihiro Fujiwara et Sho Tanaka s'efforcent cette fois de traquer avec leurs caméras d'autres espèces encore peu connues, celles des requins des profondeurs. Pour cette expérience inédite, les chercheurs se servent tout d'abord d'un appât : un jeune cachalot qui s'était échoué il y a des années sur une plage et qu'ils avaient entièrement congelé. Ils l'immergent après l'avoir lesté d'un bloc de béton -- et le dispositif fonctionne à merveille. Un impressionnant requin griset se charge bientôt de dépecer la charogne afin d'approvisionner, une semaine durant, une armada de congénères peuplant ces sombres abysses. Lors de leurs plongées avec des robots sous-marins, les chercheurs rencontrent ensuite le très vénérable requin lézard dont l'existence remonte à 380 millions d'années.
L'équipe de plongeurs découvre aussi le requin dormeur et le dalatias licha ; quant au requin lutin avec sa tête bizarre et sa mâchoire protractile, il mérite sans conteste le titre de monstre sous-marin... Surtout, on réussit à filmer pour la première fois l'énigmatique requin grande gueule, ou megamouth. Seuls quelques individus de cette espèce géante, découverte en 1976, avaient pu être identifiés jusqu'à ce jour. Long d'environ six mètres, armé d'une gueule large d'un mètre, ce colosse se nourrit principalement de crevettes et de krill. La rencontre avec ce spécimen constitue l'apogée de l'expédition.
Avez-vous déjà jeté un oeil sur le « megamouth », ou requin à grande gueule ?
Non ? Pas étonnant, cet énorme squale, repéré pour la première fois en 1976, évolue dans des canyons océaniques inaccessibles au commun des mortels, et se montre aussi discret que le calamar géant — poursuivi l'an dernier par Tsunemi Kubodera et son équipe. Obsédés, eux, par les requins d'eaux profondes, les spécialistes de biologie marine Yoshihiro Fujiwara et Shô Tanaka rééditent l'exploit de Kubodera : traqué avec patience à l'aide d'un matériel de pointe, le megamouth se laissera fugacement observer dans son milieu naturel. On pourra alors constater que, si sa gueule est imposante (elle est large d'un mètre, et ses muqueuses buccales semblent réfléchir la lumière), elle s'avère plutôt débonnaire, surtout pour des spectateurs qui auront précédemment croisé la route du requin-lutin.
A peu près aussi avenant qu'Hannibal Lecter, l'animal dispose d'un museau en forme de spatule équipé de détecteurs de vie, et d'une mâchoire déboîtable qu'il projette vers ses proies pour déjeuner plus aisément... Reconstitutions en images de synthèse et spectaculaires prises de vues sous-marines se complètent ici parfaitement.
Et c'est l'occasion ou jamais d'admirer, en plus des sélaciens précités, le requin-lézard, incroyable fossile vivant.